Nous nous sommes rendus sur la plage de Rosalie, où j’avais déjà passé une nuit en septembre pour assister à la naissance de bébés tortues luth.
Quelques mois avant, nous pouvions donc assister à la ponte! Vers 21h, accompagnés de Simon, le volontaire que j’avais déjà rencontré en septembre, nous avons fait des « patrouilles » sur la plage, en marchant seulement à la lumière de la lune car les torches peuvent faire pressentir un danger aux tortues et leur faire rebrousser chemin avant la ponte. Ma première rencontre avec une tortue luth est quelque chose que je n’oublierai probablement jamais: d’abord, j’ai aperçu une énorme forme noire, rampant sur le sable en se dirigeant vers moi… ensuite on commence à percevoir les contours de la bête… le premier terme qui m’est venu à l’esprit est « préhistorique ».
Ce qui n’est pas vraiment irrationnel, en fait. La tortue luth est le seul représentant contemporain de la famille des Dermochelyiadae, les tortues à dos cuirassé, qu’on connait surtout par des espèces fossiles, dont l’Archelon, une tortue géante préhistorique qui pouvait atteindre 4 à 5 mètres de long… Et bien moi, sur ma plage de Dominique, j’ai vraiment eu l’impression de me trouver face à un dinosaure…
La nidification se déroule en 7 phases, et dure environ 2h.
- L’ascension : la femelle rejoint le haut de la plage, à la lisière de la végétation
- Le balayage : elle déblaie le sable avec ses pattes pendant un quart d’heure.
- Le creusement : elle creuse un trou jusqu’à 80 cm de profondeur avec ses pattes arrière ; l’opération prend environ 30 minutes
- La ponte : cette étape est accompagnée de respirations rauques et s’effectue par salves ; elle dure une vingtaine de minutes ; la présence de l’homme ne peut à ce moment-là plus la perturber, c’est donc le moment où nous avons été autorisés à rallumer nos lampes (et à prendre des photos). Chose étrange, les yeux de la tortues sécrètent une substance gélatineuse, d’après certains pour évacuer le sel accumulé par son organisme, d’après d’autres pour se protéger du sable de la plage… dans tous les cas, ça donne l’impression étrange que la tortue pleure!
- Le rebouchage : les pattes postérieures ramènent le sable sur les œufs et les nageoires postérieures le tassent pendant une petite dizaine de minutes.
- Le camouflage : pendant 20 minutes, la tortue pivote sur elle-même et projette du sable grâce à ses nageoires pour cacher les traces de son passage. Vu la taille de la bête et l’énergie qu’elle y met, c’est vraiment impressionnant (même en restant à distance, on se prenait des jets de sable dans la figure!)
- Le retour à l’eau : tantôt direct, tantôt indirect, la tortue luth peut effectuer des boucles avant son départ.
La tortue Luth peut pondre 1000 œufs dans une même année. L’incubation dans le sable dure entre 60 et 70 jours, à une température de plus de 26 degrés. Entre 26 et 30 degrés, l’incubation est classique avec un mélange de mâles et de femelles. Au-dessus de 30 degrés, les nouvelles tortues ne seront que des femelles.
Les tortues luth sont malheureusement menacées: en 27 ans, la population de ces reptiles a chuté de 78 %. L’espèce pourrait s’éteindre d’ici 20 ans. C’est pour cela que la Rosalie Sea Turtle Association surveille de près nidification et ponte en Dominique.
Le lendemain, nous avons pu voir les traces impressionnantes des tortues sur le sable:
Une expérience qui nous aura marquée!
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