La ville de Darjeeling est située dans la région du Bengale, à la croisée des chemins entre le Népal, le Tibet, la Chine et l’Inde. Ce n’est « pas très loin » de la ville où je vis, Guwahati (comprendre: 8 heures de train suivis de 4 heures de voiture).
La ville est une ancienne station climatique britannique. Les anglais vivant à Calcutta venaient y prendre le frais lors des fortes chaleurs. Si l’essentiel de la ville a une architecture résolument indienne on y trouve encore quelques monuments très britishs:
Darjeeling est construite à flanc de colline. Les routes rejoignant la ville étant très escarpées, il n’y a pas de bus pour s’y rendre, mais un système de jeeps collectives.
On peut également arriver à Darjeeling par train depuis la ville de Kunseong, avec le Darjeeling Himalayan Railway. C’est une ligne de chemin de fer classée au patrimoine mondial de l’Unesco et exploitée avec une traction vapeur aussi appelée « Toy Train » (train jouet).
Effectivement, la locomotive est toute petite, et intégralement adorable:
Comme je voue une passion un peu excessive aux trains, le toy train de Darjeeling est une des principales raisons pour laquelle je suis venue ici (pour les cinéphiles, le « Darjeeling Limited » est malheureusement une invention de Wes Anderson, ce train n’existe pas en Inde). Il y aurait un paquet de choses à raconter sur ce petit train, mais il est très probable que ça n’intéresse que moi.
Une des premières choses qui saute au yeux en arrivant à Darjeeling, est la présence de bouddhistes. Le bouddhisme est né en Inde (au 5ème siècle avant JC) mais cette religion y est aujourd’hui très minoritaire. On considère que les bouddhistes représentent moins de 1% de la population totale de l’Inde. Ils sont surtout présents dans la région himalayenne de l’Inde, où se trouve justement Darjeeling.
Parmi les choses à faire dans la ville, on peut visiter la pagode japonaise dite « pagode de la paix ».
C’est une des 70 pagodes construites dans le monde par l’organisation bouddhiste japonaise Nipponzan Myohoji.
Petit aparté « architecture religieuse »:
Une pagode est un lieu de culte bouddhiste, qui dérive de la stupa indienne. La stupa était initialement un lieu où les reliques sacrées du Bouddha étaient protégées (après la mort de Bouddha, d’après la tradition ses reliques ont été partagées en huit parties distribuées à huit rois. Ceux-ci ont construit des reliques pour les conserver). La forme vient de celle d’un bol à aumône renversé. Les formes architecturales ont évolué selon les pays (en Asie du Sud-est une forme de cloche, au Tibet une sorte de bulbe appelé chörten). La plupart des stupas ne contiennent pas de reliques, ou alors des objets à la provenance un peu suspecte (c’est un peu comme en Europe où il y a tellement d’églises conservant des bouts de la sainte croix qu’avec tout ça on aurait assez de bois pour se chauffer un bon moment…). Fin de l’aparté.
Le mois de juin correspond dans l’Himalaya à la période de floraison des rhododendrons, ce qui a l’air de constituer un attrait pour les touristes indiens (je ne suis pas particulièrement fan: je trouve que c’est un peu une plante de grand-mère, mais ça c’est juste moi…).
Darjeeling a toujours été un point de départ des ascensions himalyennes, et c’est donc logiquement qu’on peut y visiter l’Institut d’Alpinisme Himalayéen. Cet institut a été fondé en 1954 pour promouvoir l’alpinisme en Inde, à la suite de la conquête de l’Everest par le Sherpa Tenzing Norgay et le néo-zélandais Edmund Hillary l’année précédente (Norgay a été le premier directeur de l’Institut).
On y trouve un paquet d’informations sur les différentes missions de conquête de l’Everest. Avant 1953, elles se soldèrent toutes par des échecs, généralement meurtriers. Le musée réussit bien à faire ressentir l’esprit pionier dans lequel ces expéditions se sont déroulées. Tous ces explorateurs étaient bien décidés à risquer leur vie pour conquérir une montagne, ce que je trouve franchement fascinant. Des vrais « conquérants de l’inutile », dans le sens le plus noble du terme…
Autour de Darjeeling, on peut trouver des murs d’entrainement à l’escalade, utilisés par l’Institut.
L’Institut est situé dans l’enceinte du zoo de Darjeeling, considéré comme l’un des meilleurs d’Inde (ce qui ne donne pas forcément envie de visiter les autres).
Je trouve toujours les zoos assez tristes, mais ici on peut observer des espèces locales intéressantes dans un habitat presque décent. J’ai pu voir des pandas roux (bestiole adorable originaire de l’Himalaya), des léopards des neiges, des tigres du Bengale, des yacks…
A Darjeeling se trouve également un important centre de réfugiés tibétains. Il faut savoir que sur environ 130 000 exilés tibétains, au moins 100 000 se trouvent en Inde. Le pays a accueilli à Dharamsala (nord de l’Inde) le gouvernement tibétain en exil et le Dalaï-Lama.
Le centre de réfugiés de Darjeeling, fondé en 1959 (date du premier exode massif tibétain et de l’exil du 14ème dalaï-lama) fonctionne en autogestion. En échange du gîte et du couvert, les réfugiés tibétains confectionnent des objets d’artisanat ‘(tissus, tapis, sculptures sur bois, bijoux…) qui sont ensuite vendus. 130 familles tibétaines vivent ainsi là, ainsi que des orphelins recueillis par une association.
Il y a aussi un petit musée qui retranscrit l’histoire du Tibet de façon très poignante:
On trouve dans le centre de nombreuses photos de Gendhun Choekyi Nyima, « le plus jeune prisonnier politique du monde ».
En 1995, ce garçon a été désigné 11ème réincarnation du panchen-lama (le panchen-lama est la deuxième plus haute autorité spirituelle tibétaine, il est chargé de rechercher la réincarnation du dalaï-lama après la mort de celui-ci). Le garçon avait alors six ans. Trois jours plus tard il a été enlevé par les autorités chinoises avec ses parents. Aujourd’hui personne ne semble savoir ce qu’il est devenu ni s’il est encore en vie, à part le gouvernement chinois qui affirme qu’il « mène une vie normale et heureuse et reçoit une bonne éducation »…
C’était vraiment une visite instructive et très émouvante…
A Darjeeling, j’ai également rencontré un antiquaire tibétain, qui vendait des objets de son pays. Sa boutique devait faire 2 mètres carrés mais débordait littéralement d’objets. Il m’a expliqué que dans son pays ces objets risquaient la destruction et qu’il préférait donc les vendre pour qu’ils soient protégés par leurs acquéreurs aux quatre coins du monde. J’ai déjà beaucoup de mal à résister à acheter de l’artisanat dans toutes les boutiques d’Inde alors si on me dit que je fais une bonne action, je sors tout de suite mon porte-monnaie…. Ce qui m’a donné l’occasion de vérifier que je suis définitivement une lamentable négociatrice (comme quoi, ce n’est pas une compétence héréditaire, ma mère étant capable de faire pleurer le marchand de tapis le plus résistant). J’avais l’impression de ne pas mettre trop mal débrouillée sur le marchandage, et puis le vendeur m’a invitée à prendre un thé dans une boutique des environs, et a insisté pour régler la note. Quand il m’a ensuite acheté du thé dans la boutique je me suis dit qu’il avait l’air un peu trop content de cette vente. Mais quand il m’a dit qu’il prirait pour que je revienne dans sa boutique, là il m’a paru à peu près certain que je m’étais fait avoir dans les grandes largeurs (mais c’est pas grave, je suis ravie de mes achats).
Ce qui nous amène au sujet principal d’une visite à Darjeeling: le thé!
Le thé, finalement, c’est comme le vin. La qualité dépend des semences, mais aussi du lieu: le sol, l’altitude, le climat et la pluviosité sont autant de facteurs qui influent sur la production finale. Darjeeling est située entre 2 000 et 3 000 mètres au-dessus du niveau de la mer, ce qui serait idéal. Darjeeling est la première ville productrice de thé dans le monde, et son thé serait le « champagne des thés », le meilleur thé du monde (c’est ma belle-mère qui le dit, alors je ne questionne pas)! Comme pour le vin, il ya aussi des bonnes et des mauvaises années, et la qualité dépend de la saison.
Il y a quatres récoltes par an: la meilleur va de mai à juin, puis, par ordre de qualité, il y a la récolte de mars à début mai, puis mi-septembre à début décembre. La récolte la moins bonne est aussi la plus abondante a lieu durant la mousson, de juin à septembre.
La ville est entourée de petits collines ondulantes couvertes de plants de thé:
Et un peu partout dans la ville, on peut s’arrêter boire un thé ou en acheter:
C’est pas beau?
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