En octobre, nous avons passé un séjour dans une ville qui nous intriguait depuis des années : Detroit ! Les réactions de nos collègues et amis américains à l’annonce de notre dernier choix de destination de week-end reflètent bien l’image de la ville : si certains ont trouvé l’idée « awesome ! », d’autres étaient plus perplexes (« WHY ? ») voire franchement inquiets (« You’re gonna get killed ! »). L’ex-capitale de l’automobile est connue pour son effondrement urbain sans précédent dans l’histoire moderne (pour une ville n’ayant connu ni catastrophe naturelle ni guerre) mais elle renait aujourd’hui doucement de ses cendres. On avait envie de nous faire notre propre idée!
Un peu d’histoire
Berceau de l’industrie automobile aux Etats-Unis, la plus grande ville du Michigan a connu son heure de gloire dans la première partie du 20ème siècle, quand les grands noms de l’industrie automobile (Ford, General Motors, Chrysler…) y concentraient l’essentiel de leur production. Après la seconde guerre mondiale, la ville a entamé son déclin. Les classes moyennes et supérieures, essentiellement blanches, ont progressivement quitté la ville pour s’installer à la périphérie. En 1967, des émeutes raciales ont encore accéléré ce processus. La crise immobilière liée aux subprimes et la crise du secteur automobile à partir de 2008, alliés à une mauvaise gestion budgétaire et à une importante corruption (le maire de 2002 à 2008, Kwame Kilpatrick, a été condamné à vingt-huit ans de prison pour fraude et racket) ont porté le coup de grâce à la ville, qui a dû se déclarer en faillite en 2013.
La ville, qui comptait 1,85 million d’habitants dans les années 1950, n’en recense plus aujourd’hui que 673 000. Detroit est devenue synonyme de pauvreté (42 % de sa population vivait en dessous du seuil de pauvreté en 2014) et d’insécurité (en 2014 toujours, les fonctionnaires n’étaient plus payés, et notamment les policiers).
Aujourd’hui, on entend beaucoup parler de la renaissance de Detroit. Grâce à un compromis trouvé avec les créanciers et aux contributions de riches fondations locales, la ville a réduit sa dette d’un tiers et le chômage baisse peu à peu. Mais si l’exode des résidents de la ville ralentit enfin grâce aux efforts de revitalisation de la cité et aux millions de dollars investis dans le centre-ville, Detroit reste aussi à bien des égards une ville en ruines.
Les gratte-ciels de Detroit
La ville de Detroit compte une série de superbes gratte-ciels construits au début du XXe siècle, entre la période Art déco et le courant Moderniste. Parmi eux, le Rex Theatre :
Le Fisher Building, dans le style néo-américain :
Ou encore le superbe Guardian, au hall d’entrée couvert de matériaux précieux comme la Terracotta, le marbre de Tunisie, les céramiques Pewabic (un atelier présent à Détroit et toujours en activité) :
Usine Ford Piquette
Nous avons visité l’usine Ford Piquette, où a débuté la production de la mythique Ford T en 1908. Ce modèle a révolutionné le quotidien des américains, mais aussi l’industrie mondiale : Ford met en place à l’époque une organisation du travail inspirée du taylorisme, qui est fondée sur la standardisation des produits, le travail à la chaine et l’augmentation du pouvoir d’achat des ouvriers pour stimuler la demande. Le Fordisme est né !
Aujourd’hui, l’usine connait une seconde jeunesse, et se loue même pour célébrer des mariages :
MoTown
Detroit est célèbre pour son histoire musicale, puisqu’elle a été le berceau de la Motown (une compagnie de disques qui a produit entre autres Stevie Wonder, Diana Ross, Michael Jackson…), puis de la techno dans les années 80. Nous avons visité le musée de la Motown – petit mais chargé d’histoire.
Detroit Institute of Arts (DIA)
Le DIA est un des plus grands musées des États-Unis. Nous avons pu y voir entre autres les célèbres fresques de Diego Rivera, « Detroit Industry » :
Downtown
Le centre ville est le coeur de la renaissance de Detroit. Certains endroits sont animés et impeccablement restaurés :
Mais dans l’ensemble, la ville dégage une impression de vide. De nombreux bâtiments ont été démolis pour laisser place, la plupart du temps, à de grands parkings. L’espace est occupé par les volumes des buildings, mais on peut aussi deviner les bâtiments manquants, comme en négatif… le tout donne une très curieuse sensation spatiale.
Un nouveau tramway, signe de revitalisation (et des nouveaux transports en communs de « Motor City ») a fait son apparition dans le centre. Il crée, depuis ses débuts, la polémique. Avec un cout exorbitant de 144 millions de dollars, le tramway ne dessert que ce quartier déjà développé, et ne désenclave en aucun cas ceux encore en difficulté (il est aussi très très lent). La ville reste façonnée par l’usage de l’automobile, et il est très étrange (et pas forcement terriblement sécurisant) de se balader le long d’autoroutes à 4 ou 6 voies dans le centre-ville.
Il reste tout de même de nombreux endroits propices à la flânerie. Nous sommes par exemple passés par Hart Plaza, où siège une gigantesque sculpture-fontaine en acier de Noguchi, à l’image d’un écrou retourné :
Detroit riverfront
L’endroit qui symbolise probablement le mieux la renaissance de la ville est le « detroit riverfront » : ce quai de long de la rivière a été aménagé en une agréable promenade avec espaces verts, restaurants et bars. Nous avons loué des vélos pour nous y balader:
Nous avons pédalé jusqu’au parc de « Belle Isle », qui abrite entre autres un jardin botanique, un aquarium, une plage et un golf. Nous avons trouvé l’endroit assez étrange et déroutant, et tout à fait à l’image de la ville : on passe par des sites abandonnés, d’autres en reconstruction, et la piste cyclable longe une autoroute de 4 voies tout le long du chemin… visiblement même les parcs sont conçus pour la voiture à Motor City !
Mais si l’on est venus à Detroit, c’était aussi comme beaucoup de monde pour l’exploration urbaine : la ville est généralement considérée comme la capitale mondiale de l’urbex (de l’anglais « urban exploration »), une discipline qui consiste à partir à la recherche de lieux abandonnés (ou en tout cas, fermés au public) pour les visiter. La suite à lire au prochain article!
2 Comments
Pas si mal ! Mais je pense qu’on ne voit que le mieux ! Intéressant !
Coucou!!! Vive l’urbex!!!Super visite!