Après Hong Kong, nous embarquons pour une destination souvent oubliée des circuits en Asie (et c’est très bien comme ca) : Taiwan ! Nous avions envie de découvrir ce pays depuis que nous nous sommes liés d’amitié avec un couple taiwanais à New York, et nous n’avons pas été décus : c’est à ce jour la meilleure surprise de notre tour du monde.
Nos coups de cœur
Se balader des heures durant dans Taipei, le long des stands de cuisine de rue et des marchés nocturnes
Les adorables ruelles bordées de lampions de Jiufen et les lanternes de Shifen
Randonner au creux des gorges du parc national de Taroko
Nos impressions
Ce qu’on a aimé
Taipei! La capitale du pays n’est pas franchement belle architecturalement parlant mais il fait bon s’y balader (et sans doute y vivre). Les transports en commun sont facile d’accès, tout est exceptionnellement bien indiqué… un rêve de citadin.
La nourriture taiwanaise. La nourriture, et en particulier la cuisine de rue est présente PARTOUT, délicieuse et abordable.
Les Taiwanais. Nous avons adoré tous nos contacts avec les habitants de l’ile. C’est l’un des endroits au monde où nous nous sommes sentis le plus à l’aise. En plus d’être respectueux et polis, les taiwanais sont très tolérants (c’est d’ailleurs le premier pays asiatique à avoir légalisé le mariage pour tous! Go Taiwan!)
Ce qu’on a moins aimé
Les caprices de la nature : un tremblement de terre et un typhon en 8 jours!
L’itinéraire jour par jour
J1 – Arrivée à Taipei
Visite du mausolée de Tchang Kaï-chek, qui marque le centre géographique et culturel de Taipei. Nous y retrouvons notre ami Ben qui a fait le voyage depuis le Vietnam pour passer le week-end avec nous!
J2 – Jiufen, Shifen & Pingxli
Nous partons en excursion à la journée depuis Taipei. Première étape : l’ancienne ville minière de Jiufen. Les ruelles bordées de lanternes rouges de cette petite ville perchée dans les montagnes auraient notamment inspiré Miyazaki pour le Voyage de Chihiro.
Nous nous rendons ensuite à Shifen, célèbre pour son festival annuel de lanternes. Mais on peut y voir des lanternes décoller toute l’année : les gens y écrivent leurs souhaits puis les laissent s’envoler comme des montgolfières:
Dernière étape : la petite ville minière de Pingxi, où l’on trouve de nombreux vieux batiments datant de la colonisation japonaise.
Nous terminons la journée par une visite du marché de nuit de Shilin, le plus grand de la ville, où nous nous gavons de cuisine de rue.
J3 – Taipei
Nous passons la matinée à Dihua, une des plus belles rues du vieux Taipei qui aligne les maisons de thé, les petites boutiques design et les restaurants. Nous nous arrêtons dans une maison de thé datant des années 1920.
Nous visitons le musée AMA, consacré aux femmes « de réconfort » : des jeunes femmes ou jeunes filles enlevées et contraintes par l’armée japonaise à se prostituer dans des bordels. Entre 1931 et 1945, l’armée nippone a ainsi prostitué de force près de 200 000 femmes. La Taipei Women’s Rescue Foundation, qui gère le musée, se bat pour que l’histoire de ses femmes soit reconnue, et que le gouvernement japonais leur présente un jour des excuses officielles (et visiblement, c’est pas gagné).
En fin de journée, nous allons observer le coucher de soleil sur la ville depuis Elephant Hill, une colline située au sud est de la ville.
J4 – Beitou
Nous nous rendons à Beitou, au nord de Taipei. La ville est reputée pour ses sources d’eau chaude naturelles. Nous tentons l’expérience des bains publics.
L’après-midi, nous visitons le musée du Palais national, qui abrite les plus belles collections mondiales d’art chinois.
Les oeuvres du musée proviennent de la Cité interdite à Pékin. Sous la menace des troupes japonaises, puis de la revolution communiste chinoise, la collection impériale a été exfiltrée de Pekin et trimballée pendant trente-deux ans et sur plus de dix mille kilomètres. L’immense cargaison a finalement abouti à Taipei, où elle est exposée depuis 1965.
Les collections du musée sont exquises – mais les deux pièces les plus célèbres sont aussi un peu étonnantes. Elles sont exposées dans une même salle (il faut faire la queue pour y rentrer). D’abord, un chou en jadéite datant de la dynastie Qing :
Ensuite, le Rouxingshi (littéralement : « pierre en forme de viande »),un morceau de jaspe sculpté en forme de porc Dongpo. Decidémment, les Taiwanais et la nourriture, c’est une grande histoire d’amour.
Seul bémol de la visite : la foule! Le musée est l’une des institutions les plus visitées au monde, notamment par des hordes de touristes venus de Chine continentale, désireux de voir ces trésors dont ils ne sont plus propriétaires.
J5 – Taipei
Pour bien commencer la journée, nous allons prendre un petit déjeuner typique taïwanais à Fu Hang Dou Jiang. Il y a une queue immense jusque dans la rue, mais on sent qu’ils sont rodés, et ça avance vite.
Nous nous baladons ensuite dans le Huashan 1914 creative park, une ancienne distillerie reconvertie en ruche créative avec restaurants, cafés, boutiques, galeries et autres ateliers culturels.
Puis nous passons l’après-midi dans le petit village de Maokong, accessible depuis Taipei par un téléphérique. L’endroit est réputé pour ses plantations de thé. On aperçoit de loin la tour 101, la plus haute de Taipei :
Le soir, nous allons manger des Dim Sum à Din Tai Fung. Cette chaine de restaurants a été fondée en 1972 et est présente dans une quinzaine de pays. Nous avons mangé dans le restaurant originel – et c’était incroyable. Mention spéciale pour les Dim Sums au chocolat en dessert, à tomber par terre.
J6&J7 – Hualien
Nous prenons le train pour Hualien, sur la côte est de Taiwan. Nous passons l’après-midi sur les bords du lac Liyu.
Le lendemain, nous sommes réveillés à 5h30 du matin par un tremblement de terre. Nous sommes très proches de l’épicentre et le séisme est de 6 sur l’échelle de Richter, alors forcément ça secoue. La chambre fait des mouvements latéraux pendant une vingtaine de (très longues) secondes… Grosse frayeur pour moi, mais Gildas se rendort immédiatement, complètement imperturbable!
Nous prenons ensuite un bus pour le parc national de Taroko. Nous avions prévu une longue randonnée, mais pas de chance, un typhon s’approche des côtes de Taiwan… nous adaptons donc un peu nos plans. D’abord une courte randonnée de 6km (le très beau Shakadang Trail):
Puis nous prenons le bus touristique qui traverse le parc pour le voir de bout en bout. C’est un peu honteux de visiter un parc national ainsi (sommes-nous devenus plus américains que nous ne nous l’avouons?), mais cela nous donne un bel aperçu : canyons de marbre blanc, chutes d’eau vertigineuses, et falaises à pic…. c’est superbe.
Nous reprenons ensuite le train pour Taipei, un jour plus tôt que prévu, pour éviter de nous retrouver coincés à Hualien avec l’arrivée du typhon et les fermetures de lignes.
J8 – Taipei
Nous revoila donc à Taipei. La proximité du typhon se fait sentir, il pleut des cordes toute la journée.
Nous tentons de visiter le Songshan Cultural and creative park, puis le Longshan temple mais les deux lieux sont fermés. Même chose pour le quartier historique de Bo-Piliao. Il faut savoir reconnaitre la défaite, nous rentrons donc à l’hôtel nous consoler en mangeant des gâteaux à l’ananas (une specialité délicieuse de Taiwan).
J9 – Vol retour
Dejà! Si nous avions eu plus de temps, nous aurions découvert le reste du pays, et notamment Tainan, la ville la plus ancienne de Taiwan. Mais nous ne regrettons pas d’avoir passé autant de temps à Taipei, qui restera un gros coup de coeur du voyage.
La géopolitique pour les nuls
Difficile de parler de Taiwan sans évoquer l’épineuse situation géopolitique de l’ile. Alors, est-ce que Taiwan appartient à la Chine ? Oui et non. Est-ce un état indépendant ? Oui et non! Ce n’est pas plus clair? C’est en fait impossible à comprendre sans faire un détour historique. Voila ma tentative de resumé:
D’abord partiellement colonisée par les Portuguais puis les Hollandais (qui christianisent au passage une partie de la population aborigène), Taïwan n’a été intégrée à l’Empire mandchou de la dynastie Qing qu’au cours du XVIIe siècle. Deux siècles plus tard, la guerre contre l’Empire nippon de 1894-1895 engendre la cession de Taïwan au Japon.
S’ensuit un demi-siècle sous administration japonaise, jusqu’en 1945. Cette colonisation va influencer de nombreux aspects de la vie moderne à Taiwan, que ce soit dans l’agriculture, l’industrie ou l’éducation.
Entre-temps, l’Empire mandchou est tombé sur le continent et a été remplacé par la « République de Chine » en 1912. C’est donc à ce régime qu’est restitué Taïwan à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, en 1945. Mais parallèlement, la guerre civile fait rage sur le continent chinois entre nationalistes et communistes. Elle aboutit à la création de la « République populaire de Chine » en 1949 par Mao Zedong. Chassé par les troupes communistes, le gouvernement de la République de Chine, dirigé par Chiang Kai-shek, se replie alors à Taipei. Il aspirait ainsi à représenter l’ensemble de la nation chinoise dans l’attente de la reconquête du continent par ses troupes (qui n’arrivera jamais).
Les autorités de Taiwan (aux mains d’un parti unique, le Kuomintang) estiment alors que leur État est l’unique représentant légitime de la Chine sur la scène internationale. Jusqu’en 1971, c’est Taiwan qui occupait ainsi le siège de la Chine à l’ONU (et qui disposait donc d’une place à la table des membres permanents du Conseil de Sécurité). Son remplacement par la Chine populaire a véritablement donné le coup d’envoi d’un isolement diplomatique de plus en plus sévère sur la scène internationale, notamment lorsque les Etats-Unis ont tourné le dos à Taipei en faveur de Pékin en 1979.
Pendant des decennies, l’ile vit sous un état d’exception avec la loi martiale. C’est le président Lee Teng-hui (1988-2000) qui met un terme à cette situation intenable, et recentre les institutions sur le territoire effectivement contrôlé par la République de Chine. S’ensuit une démocratisation progressive du régime : la République de Chine/Taiwan est aujourd’hui un État démocratique, trustant les meilleurs scores des classements en matière de droits de l’homme et de libertés publiques – des résultats qui n’ont pas grand-chose à voir avec ceux de la République populaire.
Taïwan appartient donc de fait à la République de Chine (il s’agit encore du nom officiel du régime en place à Taipei), mais son territoire est revendiqué par la République populaire de Chine. Cette dimension est souvent difficile à comprendre, mais il suffit de considerer que la Chine demeure un Etat partitionné – comme l’est par exemple la Corée. La majorité des Etats de la communauté internationale reconnaissent officiellement la souveraineté de la République populaire de Chine sur Taïwan, niant donc l’existence du régime taïwanais. Cependant Taiwan répond aux critères constitutifs d’un État : un territoire déterminé, une population permanente, une monnaie et un gouvernement exerçant une autorité effective sur ce territoire et cette population. Il s’agit donc, de facto, d’un état indépendant.
Conseils de lecture
- Formosan Odyssey: Taiwan, Past and Present, par John Grant Ross : ce livre écrit par un expat neo-zelandais nous a été recommandé par nos amis taiwanais, c’est une bonne introduction à l’histoire de l’ile.
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